
Un air de musique classique détend l'ambiance avant que Jean-Maximilien Sobocinski ne commence à prendre la parole. "Premier cahier, 2 août 1914 au 4 novembre 1914 - la vie de dépôt". Le ton est neutre, assuré, on a l'impression d'assister à la lecture d'un rapport administratif. Mais très vite, on est pris dans l'ambiance. Le texte est foisonnant, la langue est riche. Bien que peu instruit au regard de notre époque, ce tonnelier du Minervois titulaire du seul certificat d'études manie le verbe avec justesse et aisance. Pacifiste convaincu, il écrit le 4 août 14 lors de sa mobilisation : "J'appartiens à la patrie comme une âme damnée appartient à Satan". Affecté au 280e régiment d'infanterie, il sera de toutes les offensives les plus terribles, de La Bassée à l'Argonne en passant par la Somme ou Verdun. Des attaques dont il dit : "Même les plus stupides d'entre nous comprirent qu'on allait à la mort". Avec Louis Barthas, foin d'odes au patriotisme et au sacrifice "volontaire" des morts. Il décrit sans fard et de façon quasi-clinique la blessure au visage d'un de ses compagnons d'infortune
ou les fraternisations sur le front de Neuville-Saint-Vaast en décembre 1915 où "deux armées se font face à face sans un coup de feu".
Bien que peu suspect de religiosité, Louis Barthas se pose des questions sur "ces forces mystérieuses et surnaturelles qui veillent sur nous" et qui lui permettront d'arriver sain et sauf jusqu'au 14 février 1919. "Allez, vous êtes libre. Cette phrase plus attendue que le Messie" marquera sa démobilisation et le début d'un combat contre le militarisme qu'il mènera jusqu'à son dernier souffle.
Sans effet, sans artifice, Jean-Maximilien Sobocinski a fait revivre les plus belles pages de Louis Barthas. En sortant de ce moment émouvant, difficile de ne pas songer au refrain de "la chanson de Craonne", hommage de l'époque aux mutinés et fusillés pour l'exemple : "Adieu la vie, adieu l'amour, Adieu toutes les femmes. C'est bien fini, c'est pour toujours De cette guerre infâme. C'est à Craonne sur le plateau Qu'on doit laisser sa peau Car nous sommes tous des condamnés Nous sommes les sacrifiés".
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